Pour le psychologue, le terme dépression (ou dépression nerveuse), du latin depressio, « enfoncement » est d’un usage relativement récent; c’est autour du XIXe siècle qu’il est apparu dans son usage psychologique.

 

 

1. Définition de la dépression

 

Le terme « dépression » recouvre et a au moins trois significations : il peut se rapporter à un symptôme, un syndrome ou une entité nosologique – dans le langage actuel une maladie – qui se manifeste par une perte durable de l’élan vital (lassitude, dépréciation de soi, pessimisme, etc.). Les psychothérapeutes peuvent à loisir observer que les symptômes sont similaires à ce que peut produire une extrême fatigue, sauf qu’ils ne passent pas au repos. Selon Henri Ey, dans une définition qui reste totalement pertinente : « Il ‘agit d’un processus pathologique extrêmement complexe. De toute manière, soit comme conséquence soit comme simple association, on trouve ajoutés aux troubles de l’humeur deux autres phénomènes : « l’inhibition » et la « douleur morale » ».

Sortir de la Dépression grâce à la psychothérapie avec l'aide d'un psychologue à NamurL’inhibition est une sorte de freinage ou un ralentissement des processus psychiques de l’idéation qui réduit le champ de la conscience et les intérêts, replie le sujet sur lui-même et le pousse à fuir les autres et les relations avec autrui. Subjectivement, le malade éprouve une lassitude morale, une difficulté de penser, d’évoquer (troubles de la mémoire) ainsi qu’une fatigue psychique.

La douleur morale s’exprime sous forme d’autodépréciation qui peut devenir de l’auto-accusation, de l’autopunition et un sentiment de culpabilité.

Les mécanismes biologiques, neuropsychiques, psychologiques, sociologiques de la dépression sont constamment en interaction et il n’est pas possible aujourd’hui de réduire la dépression à l’un d’eux exclusivement, même si des progrès importants ont été réalisés ces dernières années en psychologie. Le plus notable de ces progrès est donc que médecins et patients disposent maintenant de médicaments efficaces (antidépresseurs) qui agissent sur les effets de certaines dépressions mais sans par ailleurs pouvoir en atteindre les causes. Ces médicaments entraînent souvent et par ailleurs des effets secondaires non-négligeables (prise de poids, baisse de la libido) qui rendent le médecin attentif à la balance « coûts – bénéfices » dans l’indication et la durée du traitement prescrit. Il faut être attentif qu’en psychopathologie on utilise parfois encore la distinction entre dépression et mélancolie qui, pour la dernière, en est la forme la plus grave et la plus dangereuse en termes de risques.

Pour le psychologue, les troubles dépressifs se doublent souvent de troubles physiques, de douleurs d’origine indéterminées, d’anorexies-boulimies, etc.; on parlait d’ailleurs de dépression masquée pour toute une série de troubles physiques cachant une dépression. Les dépressions peuvent aussi se déclarer avec d’autres psychopathologies, psychoses, névrose traumatique, etc.

Comme entité nosologique aux contours plus ou moins précisément établis, les dépressions sont fréquentes et, d’après des études statistiques, atteignent presque 20 % de chaque humain au cours d’une vie. Le risque évolutif le plus grave de cette pathologie est le suicide, en particulier quand la dépression passe inaperçue et qu’elle n’est pas prise en charge. Ainsi et en France, on estime à près de 70 % des personnes décédant par suicide qui souffraient d’une dépression le plus souvent non diagnostiquée et traitée. Les dépressions peuvent se manifester chez le nourrisson, l’enfant et l’adolescent (rarement sous la même forme que chez l’adulte), chez l’adulte et chez les personnes âgées chez qui elle est fréquente.

 

  • Il ne faut pas confondre la dépression avec ce qu’on appelle communément « coup de blues » ou « déprime » qui traduit une tristesse passagère, normale dans une situation difficile.
  • Un état dépressif peut être le signe avant-coureur d’une affection du cerveau : sclérose en plaques, maladie de Parkinson, maladie d’Alzheimer, tumeur cérébrale ou maladie vasculaire. Les entretiens diagnostiques ne doivent exclure d’emblée aucune piste notamment relative à la neuropathologie. L’examen clinique doit être effectué par des professionnels capables de déterminer si une piste organique doit être ou non écartée. C’est la collaboration entre médecins, généralistes et spécialistes et psychologues cliniciens qui permettent d’affiner le diagnostic.
  • En philosophie, en littérature on utilise souvent le terme mélancolie comme équivalent de la dépression ou dépression existentielle.

 

 

2. L’humeur (ou thymie) dépressive

 

On observe au cours de la dépression un ensemble de symptômes organisés autour d’une perturbation de l’humeur dite humeur dépressive (ou thymie dépressive). Par le terme humeur, on désigne la disposition affective de base donnant un éprouvé agréable ou désagréable oscillant entre les deux pôles extrêmes du plaisir et de la douleur. L’humeur peut être normale (on parle alors d’euthymie), expansive ou hyperthymique comme dans le syndrome maniaque, ou encore triste voire mélancolique comme dans le syndrome dépressif.

Le psychologue connait bien cette affirmation : l’humeur dépressive est un éprouvé négatif de la relation du sujet au monde et à lui-même : sentiment que sa vie est un échec, la situation sans espoir, l’avenir impossible, perte du plaisir (anhédonie) et d’intérêt. Au cours du syndrome mélancolique, cette sensation pénible est poussée à son paroxysme, et l’on parle alors de douleur morale.

La variété des symptômes associés à cette perturbation de l’humeur, des profils évolutifs, des contextes d’apparition a conduit à proposer des classifications des troubles dépressifs, lesquelles ont varié au cours du temps. Il est utile également de différencier les dépressions des différents âges de la vie, qui conduisent à des tableaux bien différents.

Nous l’avons vu, du point de vue de la psychiatrie et de la psychopathologie, la dépression est un trouble de l’humeur pouvant résulter de l’interaction d’un ensemble de facteurs : biologiques (déséquilibre dans la chimie des neurotransmetteurs du cerveau), psychologiques (intrapsychiques) et sociaux (ex : divorce, chômage, etc.)

Dans cette perspective, il s’agit d’un trouble psychiatrique, comportant souvent des risques, pouvant parfois mener au suicide. Du point de vue épidémiologique, les chercheurs estiment que cette maladie est sous-diagnostiquée, sous-estimée et sous-traitée. Elle se manifeste la plupart du temps par une conjonction et/ou une addition de symptômes comme :

  • Troubles du sommeil
  • Manque d’énergie, de motivation
  • L’humeur triste
  • Irritabilité
  • Mal de vivre

Chez l’enfant et l’adolescent, les dépressions se manifestent de manière moins typique avec des symptômes variables qui cachent la tristesse ou le désespoir.

 

 

3. L’épisode dépressif majeur

 

Ce terme, proposé par le DSM ( manuel de diagnostic utilisé en psychopathologie et en psychiatrie), signifie en fait « dépression caractérisée ». Bien qu’ils ne fassent pas l’unanimité, les critères américains du DSM-IV (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders – Fourth Edition) du trouble dépressif majeur sont les suivants (une personne doit présenter au moins 5 des 9 symptômes suivants pour une durée d’au moins deux semaines, la plupart du temps, entrainant un changement dans le mode de fonctionnement habituel, et au moins l’un de ces deux critères doit être présent : humeur triste, anhédonie).

  • Humeur triste (dépressive) : décrite comme plus intense que la douleur d’un deuil. Le malade est sans joie et opprimé, parfois il est incapable de percevoir tout sentiment. En général l’humeur est au pire le matin. Chez les enfants et adolescents, cela peut se manifester par une irritabilité accrue.
  • Anhédonie : diminution du plaisir ou de l’intérêt pour toutes activités, y compris celles qui procurent du plaisir habituellement. Les habitudes se modifient, les passe-temps sont délaissés, tout semble monotone et vide, y compris les activités habituellement gratifiantes.
  • Modification involontaire du poids : prise ou perte de 5 % ou plus du poids habituel en un mois. Éventuellement, modification récente de l’appétit
  • Troubles du sommeil : diminution (insomnie) ou augmentation (hypersomnie) du temps de sommeil
  • Troubles de la concentration ou du processus de prise de décision
  • Troubles du comportement : agitation ou ralentissement (bradypsychie) rapportée par l’entourage.
  • Asthénie : sensation de fatigue ou de diminution d’énergie
  • Sentiments de culpabilité hypertrophiés, souvent injustifiés et liés à l’autodépréciation du patient.
  • Idées noires : volonté de mourir, idées suicidaires actives, avec ou sans plan spécifique, finalement tentative de suicide.

 

 

4. La dépression endogène (dans sa forme unipolaire et bipolaire)

 

La dépression endogène est caractérisée par une douleur morale latente contrastant avec une indifférence affective (appelée également anesthésie affective) pour l’extérieur, un pessimisme foncier, une inhibition marquée, des thèmes d’auto-dévaluation et d’autoaccusation des idées délirantes de ruine, de catastrophe, d’incurabilité, une insomnie par réveil précoce, une anorexie avec amaigrissement, un dégoût de la vie inaccessible à toute argumentation. La fluctuation des symptômes dans la journée est particulière dans les dépressions endogènes : très marquée au réveil (le matin), ils tendent à s’estomper en fin de journée.

Dans l’ensemble, le déprimé mélancolique méconnait l’aspect pathologique de son état et refuse tout recours médical, jugé inutile.

Le psychologue distingue une forme unipolaire et une autre, appelée bipolaire. Cependant, la dépression endogène est souvent l’expression d’un trouble bipolaire (anciennement dénommé « psychose maniaco-dépressive »). Celle-ci, initialement bien délimitée, tend à être divisée en catégories à cause des aspects évolutifs, des antécédents familiaux et des réponses thérapeutiques inégales au même traitement. La forme bipolaire est constituée d’accès dépressifs et d’épisodes d’excitation euphorique, séparés par un intervalle libre. La forme unipolaire est quant à elle définie par la survenue répétitive d’un seul type d’accès en règle générale dépressif. Il existe également les dépressions secondaires, dues à des médicaments, une affection organique, une affection psychiatrique.

 

 

5. La mélancolie

 

Le terme mélancolie était utilisé en psychiatrie et par les psychologues pour caractériser un état dépressif grave et aigu présentant de grands risques de passage à l’acte suicidaire. Il a aujourd’hui été délaissé et le médecin comme le psychologue utilise plus couramment l’expression dépression majeure. On parlait aussi de mélancolie stuporeuse pour décrire des états caractérisés par un ralentissement psychomoteur intense qui peut aller jusqu’à immobilité totale, un état prostré et incapable de boire ou de s’alimenter. Considérée comme la forme la plus grave d’état dépressif majeur, la mélancolie se manifeste par :

  • l’intensité de la douleur morale,
  • l’importance du ralentissement psychomoteur,
  • une aboulie complète,
  • des contenus de pensée particulièrement négatifs et désespérés,
  • un sentiment de culpabilité omniprésent,
  • un sentiment d’incurabilité,
  • des idées « noires » (idées d’être puni de mort, ruminations suicidaires…),
  • une anorexie grave. (Parfois, il peut s’agir d’une boulimie, en tous les cas, troubles de l’appétit.),
  • des réveils matinaux précoces dans un état d’angoisse douloureux.

 

 

6. Quelques formes particulières de dépression

 

6.1. La dépression psychotique

 

Elle se caractérise par des délires de culpabilité, de honte universelle, de punition, de damnation, d’appauvrissement mental, de négation d’organes.

 

6.2. Les dépressions hostiles, agressives

 

La personnalité du sujet semble avoir changé radicalement. Il est devenu plus agressif, plus impulsif, ses colères sont mal maitrisées, il a des violences soudaines inhabituelles… Cela viendrait du fait que le sujet ne supporte plus l’idée d’être l’objet de remarques blessantes (existantes ou supposées) à son égard : « Secoue-toi », « Tu as tout pour être heureux », etc.

 

6.3. La dépression masquée

 

Les dépressions masquées, ou hypocondriaques, se caractérisent par une absence de symptômes de l’humeur dépressive avec une prépondérance des plaintes somatiques. Elles prennent souvent l’aspect d’une douleur atypique, continue, fixée, qui reste malgré la prescription d’antidouleurs. Le sujet est souvent inconscient qu’il souffre moralement, c’est la raison pour laquelle il « somatise » (cf. aussi hystérie).

 

6.4. Les dépressions anxieuses, agitées

 

Ces sujets courent un risque suicidaire élevé. Contrairement aux caractéristiques courantes de la dépression, l’agitation psychique et motrice est majeure, ils sont enclins à des crises de panique.

 

6.5. Les dépressions saisonnières

 

La dépression saisonnière s’installe à l’automne ou au début de l’hiver et dure jusqu’au printemps. Ses symptômes sont ceux de tout épisode dépressif : tristesse permanente, perte d’intérêt générale, irritabilité, troubles de sommeil, perte ou gain de poids, pensées suicidaires.

Les symptômes de la dépression saisonnière se distinguent de ceux des blues de l’hiver, lesquels n’empêchant pas de continuer à assumer les activités quotidiennes. Ceux qui souffrent de dépression saisonnière sont très affectés dans leur quotidien (travail, relations…).

La cause exacte n’en est pas connue, mais la diminution de l’intensité de la lumière naturelle et de sa durée semble jouer un rôle important.

 

6.6. La dépression du bébé

 

Des tableaux de dépression graves, pouvant mettre en jeu le pronostic vital, ont été décrits depuis les années 1950 chez les bébés, notamment après de brutales pertes parentales. René Spitz a ainsi défini l’hospitalisme, état survenant lors d’une séparation brutale avec les parents, passant par une phase de pleurnichements, puis une phase de protestation, glapissement, perte rapide de poids, arrêt du développement ; puis une troisième phase de désinvestissement du monde qui l’entoure et de retrait conduisant à ce que Spitz a nommé la dépression anaclitique (c’est-à-dire un repli sur soi-même). Ce tableau clinique peut régresser si des mesures adéquates sont prises rapidement. S’il se prolonge, il peut être à l’origine de troubles intellectuels, des apprentissages, de difficultés psychologiques, avec une plus grande vulnérabilité aux séparations, réalisant des tableaux carentiels dont le risque évolutif est lourd. Ce type de diagnostic doit être posé avec précaution. En particulier le diagnostic différentiel avec les troubles apparentés à l’autisme doit être évoqué. Il arrive encore aujourd’hui, qu’un mauvais clinicien confonde la dépression du bébé et l’autisme.

 

6.7. La dépression de l’enfant

 

Lorsqu’elle se manifeste de manière à s’apparenter à celle de l’adulte, la dépression de l’enfant se traduit par des pleurs, de la tristesse, de l’ennui, de l’indifférence et de la fatigue. La dévalorisation de soi s’exprime par des constats répétés: « j’peux pas », « j’y arrive pas » qui se manifestent aussi dans les jeux et au plan scolaire. L’enfant se sent mal aimé et incompris. Les symptômes physiques sont fréquents, insomnies, anorexie (atypique) maux de ventre et maux de tête. Le psychologue, dans son investigation par l’entretien clinique, le dialogue avec l’entourage (parents, enseignants et éventuellement fratrie) doit détecter à partir de manifestations indirectes les signes d’une éventuelle dépression.

Par ailleurs et contrairement à l’adulte, l’enfant déprimé ne se plaint pas de tristesse ni de désespoir, et sa symptomatologie est peu bruyante.

Les traitements de premier recours sont la psychothérapie. Le rôle du pédiatre est déterminant, car c’est lui qui le premier pourra entendre la souffrance de son jeune patient et qui pourra orienter les parents chez un psychologue ou un psychothérapeute spécialisé. Le traitement médicamenteux doit être indiqué par le spécialiste et utilisé le plus possible de manière transitoire en attendant que l’enfant s’investisse dans sa psychothérapie et s’il y parvient. Pour les petits enfants, jusqu’à six ans, la psychothérapie « parent-enfant » ou le plus souvent « mère-enfant » est d’une grande aide.

 

6.8. La dépression de l’adolescent

 

La dépression à l’adolescence se manifeste, à l’instar de celle de l’enfant, très différemment de celle des adultes. La puberté a apporté son lot de changement physique que l’adolescence intégrera ou pas, ou plus ou moins sur le plan psychologique. Il faut toujours être attentif aux risques de passages à l’acte suicidaire. Plus que jamais, le psychologue clinicien doit éviter de se fier aux apparences, une attitude arrogante peut par exemple cacher un profond mépris de soi et de ses capacités, notamment au niveau scolaire. Des conduites addictives de toutes sortes, des troubles des conduites alimentaires, des fugues, de la violence verbale et/ou physique, etc., peuvent être des tentatives défensives pour lutter contre la dépression ou la mélancolie.

Au niveau comportemental, le psychologue peut énumérer les troubles suivants :

  • un trouble de l’humeur avec sentiment d’ennui, irritabilité (concernant tout l’entourage), voire hostilité et opposition, impulsivité, agressivité. On parle parfois de dépression hostile. Le dialogue devient vite impossible, remplacé par les pleurs ;
  • une tendance à l’inhibition, une anhédonie (impossibilité d’être heureux), avec un désinvestissement des loisirs et des relations qui étaient investis jusque-là; des troubles somatiques : céphalées, insomnie, hypersomnie, anorexie ou au contraire augmentation de l’appétit, parfois avec des crises de boulimie ;
  • des troubles anxieux fréquemment associés : phobie sociale, attaque de panique, trouble obsessionnel compulsif, des troubles intellectuels avec par exemple une incapacité à penser (l’individu voit les choses mais ne ressent aucun élément positif ou négatif, n’a aucun avis…).

Une thérapie familiale et systémique menée par le psychologue est parfois indiquée, elle permet notamment à l’adolescent de ne pas se sentir « seul en cause ».

Attention : il est parfois difficile de faire la différence entre une dépression et un simple moment évolutif de l’adolescence, et le recours à des spécialistes est préconisé. C’est d’autant plus difficile que l’adolescent tend à banaliser sa situation, soit par honte soit par sentiment de désespoir (personne ne le comprendra), soit parce qu’il ne perçoit pas ou mal son sentiment et son vécu intérieurs.

 

6.9. Les dépressions pseudo-démentielles

 

Les dépressions pseudo-démentielles, formes bien particulières, se caractérisent par des troubles graves :

  • de la mémoire ;
  • de l’orientation ;
  • de la vigilance ;
  • du jugement ;
  • de régression affective ;
  • des performances intellectuelles ;
  • de la culpabilité.

En ce qui concerne la maladie d’Alzheimer, la prévalence de la dépression est très élevée (20 à 25% des cas) chez ce type de patients. Une étude récente menée par des psychologues montre que pour la maladie d’Alzheimer, l’exposition à la lumière naturelle diminue les symptômes de dépression (de – 19% dans l’étude), et que par ailleurs la prise de mélatonine facilite l’endormissement (8 min plus tôt) et allonge le sommeil de 27 mn en moyenne. L’association lumière + mélatonine a aussi diminué les comportements agressifs (- 9%), les phases d’agitation et de réveils nocturnes.

La solitude, l’altération de la santé, le vieillissement, l’approche de la mort sont autant de facteurs générateurs de dépression.

 

6.10. La dépression périnatale

 

Les dépressions pré et postnatale sont fréquentes et encore sous-diagnostiquées. La première passe souvent inaperçue, la mère a honte de son état et le cache souvent à son entourage – obstétricien inclus – qui a tendance à mettre les éventuels signes dépressifs sous le sceau de la fatigue de grossesse.

L’autre est à différencier du simple baby blues qui survient le plus souvent après un intervalle libre de à 2 mois et réalise un tableau de dépression typique ou masquée ; c’est la plus fréquente des complications du post-partum, dans environ 15 % des accouchements.

 

 

7. Épidémiologie de la dépression

 

En Belgique, la dépression frappe chaque année 500.0000 de personnes âgées de 15 à 75 ans (deux fois plus de femmes que d’hommes). Sachant qu’un cas sur deux n’est pas soigné, ce chiffre progresse avec la précarité, le vieillissement et la solitude. Selon certaines études,

  • 15 à 22 % des patients de médecine générale montreraient des troubles dépressifs (5 à 9 % ont une dépression majeure, 2 à 4 % une dysthymie, 8 à 9 % une dépression mineure) ;
  • 30 à 50 % des dépressions ne seraient pas diagnostiquées ;
  • 40 à 70 % des personnes qui se suicident auraient consulté un médecin dans le mois qui précède.

Cette très grande fréquence des symptômes indique la difficulté à classifier la dépression dans un épisode existentiel de remise en cause, de souffrance, de perte, ou bien dans une maladie organique. Selon des études, en termes d’incapacité de travail chez l’adulte, la dépression occupe la quatrième place (en nombre d’années d’incapacité) au niveau mondial et pourrait se placer à la seconde place dans les années 2020, juste après les maladies cardio-vasculaires.

 

 

8. Conclusions : les traitements

 

On ne traite pas les dépressions de la même manière chez le nourrisson, l’enfant, l’adolescent, l’adulte ou la personne âgée! Pour les adultes, le chapitre des traitements est extrêmement délicat à aborder : tout est dit, essayé et « vendu » à propos des traitements des dépressions : de la marche à pied, aux exercices de pensée positive, à la psychanalyse en passant par la luminothérapie, les voyages, etc., etc., jusqu’aux électrochocs voire la psychochirurgie. Le fait que sous le terme « dépression » soient entendus toute une série de troubles ne simplifie pas les choses ainsi que l’aspect commercial (antidépresseurs) qui y est relatif. On doit aussi aborder avec prudence les recherches statistiques qui ont parfois – et trop souvent – plus démontré le parti pris de ceux qui les effectuaient que des résultats fiables et probants sur le long terme. Il est préférable de s’adresser d’abord à des spécialistes (psychiatres, psychologues-cliniciens) avant de s’engager à la légère. En gros, on admet généralement que la psychothérapie et les antidépresseurs agissent au mieux, souvent conjointement, rarement les psychotropes seuls. Le tout dépend aussi, évidemment et encore une fois, de l’âge des patients, du type de leur dépression et de leur histoire propre ainsi que des causes éventuellement repérables de « la » dépression (traumatisme, accouchement, burnout, etc.).

En première intention et quels que soient les âges en question, le traitement de la dépression se fait avec une psychothérapie dans l’un des modèles suivants : psychanalyse, thérapie systémique, thérapie cognitivo-comportementale. Le premier modèle travaille sur les causes intrapsychiques de la dépression, il présuppose un engagement du patient sur le moyen terme. La thérapie cognitivo-comportementale, pour sa part, s’occupe de la dépression en modifiant les comportements et les idées qui s’y rattachent.

En ce qui concerne la médication, un adulte ne peut être soigné de la même manière qu’un adolescent, un enfant ou une personne âgée. Pour les enfants et les adolescents en particulier, la psychothérapie doit être privilégiée par rapport aux psychotropes. L’indication d’un antidépresseur doit toujours faire l’objet d’un examen psychiatrique approfondi qui tienne compte des différents facteurs, médicaux, psychiques, environnementaux, familiaux et professionnels. Les effets secondaires sont clairement expliqués aux patients et sont de moins en moins minimisés en regard de la baisse d’influence de pharmas comme seule source d’information pour les médecins. On sait par exemple que les études sur le Prozac ont été biaisées dans un sens favorable à leur commercialisation.

Le lithium est le régulateur de l’humeur le plus utilisé dans les troubles bipolaires. Il est efficace dans les trois quarts des patients maniaco-dépressifs, mais son mécanisme d’action reste mal connu, tant contre les phases maniaques que dépressives. La principale difficulté est le dosage, qui doit être très précis pour minimiser ses effets secondaires (nausée, diarrhée, perte d’appétit, soif, voire insuffisance rénale).

Selon les cas, certains autres traitements peuvent être associés aux antidépresseurs : somnifères pour aider à restaurer sommeil et repos en attendant l’efficacité du traitement de fond, anxiolytiques, voire médicaments potentialisant l’effet des antidépresseurs. Un médecin pourra proposer le traitement le plus approprié.

Le millepertuis serait efficace comme antidépresseur chez des patients atteints de dépression légère à modérée, mais pas dans la dépression sévère.

La sismothérapie (électrochoc) vise à reproduire une crise convulsive (épileptique). L’intervention est réalisée sous anesthésie générale, sous ventilation assistée après administration d’un relaxant musculaire. Un bref courant est appliqué au niveau d’un ou des deux lobes temporaux. Le mécanisme d’action est encore aujourd’hui mal compris. Son efficacité est démontrée. Cette thérapie suscite une controverse, alimentée principalement par le caractère d’apparence barbare de cette intervention lors de ses premières utilisations en psychiatrie avant la deuxième guerre mondiale. Elle reste utilisée mais présente occasionnellement des effets secondaires importants pour le patient : pertes de mémoire (rapidement réversibles). Son indication reste les syndromes dépressifs graves après échecs de plusieurs cures médicamenteuses ou en première intention si le pronostic vital est engagé (catatonie) ou si le patient le souhaite.

La Stimulation Magnétique Transcrânienne (TMS, de l’anglais Transcranial Magnetic Stimulation) est une technique non invasive qui permet de stimuler des zones précises du cortex cérébral au moyen d’impulsions magnétiques de très courte durée mais dont l’intensité est comparable à celle utilisée en imagerie par résonance magnétique. L’efficacité de la TMS contre la dépression est aujourd’hui en cours d’évaluation sur le long terme et ses succès actuels n’augurent encore pas de leur devenir dans la durée. Toutefois, cette technique est désormais utilisée par nombre de services neuropsychiatriques de pays industrialisés. La TMS suscite de l’intérêt car elle représenterait pour certains patients une alternative à la sismothérapie. La TMS fait encore l’objet de nombreuses recherches cliniques qui cherchent à optimiser les paramètres utilisés (fréquence de stimulation, nombre de séances, durée des séances, cible neuroanatomique…) avant qu’elle puisse éventuellement prendre sa place dans les traitements à larges indications.